Comme on cueille un Camélia
- Calytrix

- 29 oct.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 nov.
Il était une fille au joli prénom de Camille. Et Camille n’était pas comme les autres filles car son esprit était croupi, son âme noircie. Nul ne percevait cet être qu’elle cachait. Oui elle taisait sa partie sombre. Elle attendait, l'œil immobile. Nul ne savait quoi, qui, pourquoi. Camille attendait, c’était un fait. Elle attendait la nuit noire, elle aimait ça. Elle patientait le sourire aux lèvres. Elle révélait sans répit des récits maudits. Les histoires sans espoir étaient sa joie. Oui, cela lui procurait beaucoup de joie. Étrangement nul ne les entendait, même dans la pénombre, la charmante grinçait ses dents pour qui, pour quoi, nul ne savait ; nul entendait. Et malgré cela elle croyait semer l'effroi, régner sur l'ombre. Camille se délectait de leur épouvante, savourait dans leurs yeux la terreur tremblante, enfin elle l’imaginait. Et c’était comme ça depuis longtemps, non pas si longtemps que ça. Une fois par an, à la nuit où la finesse du voile entre les deux mondes, celui des vivants et celui des morts, elle attendait. Elle attendait son moment. Et ce moment se manifesta.
Il survint un soir. Il était un garçon sans nom. Un garçon de glace, au regard de pierre, au visage sans grâce :
« Tu ne fais peur à personne, pauvre folle. Ils ne te voient pas, tu joues un drôle de rôle.
Tu es morte Camille, depuis belle lurette, cesse donc de jouer cette sombre marionnette. »
Camille sourit, un sourire en biais, car ce garçon cruel, elle le connaissait. Elle l’attendait. Elle se demanda, obscure comme une nuit sans lune, sans étoiles : « Qui, quoi, pourquoi, et savait-il, lui aussi qu’il existait qu’au-delà du voile ? »
Oh c’était il y a longtemps ou peut-être, je ne sais vraiment pas car ce jour-là. C'était lui qui l'avait poussée dans l'escalier. Il avait bien ri et ricané, en la voyant rouler mais dans sa méchanceté, sa joie malsaine, il trébucha à peine et bascula dans le vide. Ainsi il rejoignit Camille dans le monde des livides.
D'un geste lent et doux, presque maternel, Camille s'approcha de ce garçon si cruel.
Pour lui ouvrir les yeux, entre son index et son pouce délicats, elle cueillit son œil comme on cueille un Camélia. Le garçon hurla, croyant sentir la torture. Attendit, lui aussi, l’éclaboussure du sang, la déchirure, la brûlure, mais rien ne vint, ni douleur ni tourment, simplement une sorte de vide, d'absence, de néant. Il observa son œil fraichement cueilli.
Les lèvres du garçon, se tordirent en une moue grotesque. Camille ria, elle trouva cela pittoresque et il resta figé dans l'étonnement, presque burlesque. Camille tendit sa main. Elle tenait l'œil du camélia au creux de sa paume. Dans la lumière il était comme un petit globe nacré, d’une transparence impossible … C’était un revenant. Avait-il compris qu'il était mort aussi ? Ou restait-il prisonnier de son propre déni ?
Dans cette nuit au voile fin, tout resta en suspens, voyez, ces deux âmes errantes dans la levée du brouillard, car ce qu’il faut savoir et malgré moi, je me dois de vous le partager, nul ne sait et nul ne saura, si ce passage de vie à la mort se passa comme cela. Tout ce que je sais c’est que chaque année, Camille ne dit rien. Elle tient l'œil dans sa main.
Et dans cette nuit au voile si fin, où tout reste incertain.
















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